Traces revient sur ses traces. J'ai essayé d'en faire autant mais
à treize-quatorze ans, mes historiettes étaient remplies de brigands,
de policiers ou de martiens avec des héros à la sauce Club des
Cinq ou Langelot agent secret et je n'ai pas vu l'intérêt d'associer
cela à son billet. Par contre, en continuant ma plongée temporelle,
j'ai fini par trouver une histoire de science-fiction écrite à
20 ans avec ce passage qui m'a bien plu de recopier ici (tout rapport avec Fredric
Brown, le maître en voyage dans le temps ne saurait être une coïncidence
!)
Evangeline l'interrompît,
rêveuse :
- Tu sais, mon grand-père savait qu'il allait avoir un accident d'auto
dans lequel il mourrait. Eh bien, il s'est projeté dans le futur après
l'accident. Heureusement, d'ailleurs car sinon je ne serais pas là pour
t'écouter, mon amour.
- Quand es-tu née ? lui demanda Michel.
- Le 10 mai 1920, le 1er septembre 1913, le 5 Juin 1918, le 5 Avril 1905, le
18 Septembre 1916, le 21 mai...
- Oh ! arrête... je t'en prie !
- Pourquoi ?
- Moi, je suis né le 30 Avril 1955. On ne peut pas naître plusieurs
fois.
- Sauf si l'on a plusieurs mères...
Michel plongea dans une intense réflexion mais heureusement, il savait
nager et conclût :
- Dans ce cas, tu existes en plusieurs exemplaires ?
- Evidemment... ça se voit, non ?
Michel avala sa salive :
- Tu veux dire que tous tes exemplaires sont ici ?
- Oui.
- Mais s'ils ne sont pas nés le même jour, ils n'ont pas le même
âge ?
- Ben, heureusement, dis !
- Pourquoi heureusement ? s'étonna Michel.
- Tu te rends compte de ce qui t'arriverait si ton plus vieux exemplaire ne
te disait pas ce qui va t'arriver. Tiens, hier, j'ai failli m'électrocuter dans
ma baignoire ; heureusement, que je me le suis dit.
- Mais alors dans ce cas, tu étais sûre qu'un jour, un de tes exemplaires
me trouve ?
- Oui mais j'aurais préféré que ce soit moi qui te trouve
et non pas moi.
- Comment se fait-il que je ne vois qu'un seul de tes exemplaires ?
- Idiot ! Tu ne peux voir qu'une personne à un temps donné ; mes
autres exemplaires sont à un autre temps t.
- Donc si je comprends bien, tu vis jusqu'à un instant t et si quelque
chose ne te plait pas, tu reviens à l'instant t' sachant ce qu'il va
t'arriver ce qui te permet de changer ta trajectoire.
- Voilà ! C'est à peu près ça.
- Alors ton nombre de vie dépend du nombre d'exemplaires ?
- Oui. Mais comme il est infini, sachant que l'ensemble des nombres réels l'est,
je mène toutes les vies possibles et inimaginables.
- Dire que moi, je n'en ai qu'une.
- Mais non, bêta chéri, tu vis UNE de tes vies.
- Mais je ne me rappelle jamais mes vies précédentes !
- Evidemment puisqu'il faut bien une vie d'"éclaireur". Mais
tu n'en es pas une, tu rêves déjà, tu imagines, tu devines
presque, tu prévois, tu as tout le savoir du passé... Ton cerveau
est déjà rempli... quoique très peu...
- Si j'ai bien compris, tu as essayé de me faire assimiler ce que serait
une quatrième dimension.
- Tout juste !