D'autant que les médias contribuent à amplifier le phénomène. Leur omniprésence ne participe guère à la rationalisation, au progrès de la sagesse, au travail de l'esprit qui réclament du temps et de la patience. Comment, d'ailleurs le pourraient-ils ? Ils informent l'opinion en la faisant réagir en temps réel à des faits de société, ce qui cristallise ses passions sans lui laisser le temps de la réflexion. En procédant de la sorte, ils créent des chocs émotionnels, lèvent des affects aux conséquences parfois incontrôlables et participent plus à l'hyperactivité de la société qu'à sa réflexion. Or, si une société peut changer par réaction, elle n'évolue que par réflexion. Ainsi la rumeur du monde nous assaille-t-elle, mêlant vrai et faux, créant une inquiètude chronique. Une petite musique tragique accompagne désormais les moindres actes de notre vie. C'est une drogue douce, insidieuse. Comment faire le tri ? Car l'abondance de messages nous asthésie plus qu'elle n'éveille notre conscience. Triste bilan : les régimes totalitaires ont choisi de museler l'information. Les démocraties, elles, ont fait le contraire: elles l'ont libérées, ouvrant toutes grandes les fréquences. Mais la saturation d'informations aboutit au même résultat que son manque : qui trop entend mal écoute.
Le syndrome du Titanic (Nicolas Hulot)